vendredi 25 septembre 2009

Islam et laïcité : une fausse opposition

Opposer l'islam à la laïcité est monnaie courante en Europe. Pour Olivier Roy, politologue au Centre d'histoire du domaine turc, il n'y a rien de fondé dans cette idée reçue et il nous l'explique.

À l'heure où la question de l'intégration de la Turquie à l'Europe se pose, Olivier Roy s'est intéressé au positionnement de l'islam face à la laïcité. « En Europe, la question de l'islam est perçue comme culturelle, à travers une langue et une culture d'origine. Alors qu'il s'agit d'une reformulation du religieux en dehors du champ traditionnel, sur des bases modernes. On observe une rupture des générations, une individualisation des prises de positions. Porter le voile relève ainsi d'une affirmation individuelle et non plus collective ».

« S'interroger sur la possibilité de cohabitation entre l'islam et la laïcité en France est une fausse question, dit Olivier Roy. C'est la pratique politique et l'histoire qui ont toujours rendu les religions compatibles avec l'organisation politique et sociale des sociétés occidentales », explique t-il. « En Europe, l'islam va s'aligner sur des courants de pensée qui existent déjà ». Le problème ne serait d'ailleurs pas spécifiquement lié à l'islam, mais ressortirait de l'évolution de la place et du rôle des religions en général dans la société.

En France, la laïcité est politique, « elle s'est construite en opposition par rapport à l'Église ». Or un phénomène politique se traduit par du juridique et non par des valeurs partagées. « Il n'y a jamais eu de consensus sur la laïcité. On peut considérer qu'il y a eu un consensus relatif sur les institutions, sur la pratique de la démocratie, mais pas sur ses valeurs. La démocratie n'a pas la même valeur pour le Parti communiste ou l'extrême droite par exemple ».


« Le modèle sur lequel s'est construit la laïcité est en crise », analyse le sociologue. Une crise par le haut avec l'intégration à l'Europe et une crise par le bas avec l'immigration et les problèmes sociaux. Les institutions qui jusqu'ici avaient fonctionné ne parviennent plus à remplir leur rôle d'intégration. Or, l'État en crise se radicalise. Cette gestion autoritaire de la laïcité, par l'adoption d'une loi sur le port du voile par exemple, renforce l'idée que la démocratie n'est pas laïque. L'attitude adoptée par la France stigmatise la façon dont l'État définit le lien social. Ainsi, en France, c'est l'État qui le crée. Alors que dans les modèles anglo-saxons, l'État ne fait qu'arbitrer. En Grande-Bretagne, une femme policier peut porter le voile et cela ne pose pas de problème : ils ne considèrent pas que la laïcité est menacée. « En fait, la France est très isolée dans sa conception de la laïcité ».


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