samedi 3 octobre 2009

Bravo et encore Bravo aux membres de l'association MALI qui ont eu un réel courage physique d'aller jusqu'au bout de leurs convictions !




Tu as de la chance, si ça ne tenait qu’à moi, je te massacrerais”

Un dé- jeûneur témoigne

“Ah, c’est lui qui ne croit pas en Dieu…”
Je veux rester anonyme. J’habite un quartier populaire de Casablanca. Comme beaucoup de jeunes Marocains, je me suis inscrit sur Facebook pour chatter, pour lier connaissance, pour débattre aussi. Vendredi 11 septembre, j’ai reçu une invitation me suggérant de rejoindre le groupe MALI. Après avoir visité la page, j’ai accepté, car le groupe en question défend des idées auxquelles j’adhère. L’avant-veille du pique-nique symbolique, j’ai contacté Zineb El Rhazoui pour lui confirmer ma présence. Dimanche 13, je me suis donc rendu à Mohammedia et j’ai retrouvé mes amis à l’intérieur de la gare. Mais la police nous a regroupés et nous a ordonnés de reprendre le train suivant pour Casa.
Deux jours plus tard, je revenais de la bibliothèque. J’étais sur le point de rentrer dans mon immeuble quand je vois le moqaddem de mon quartier se diriger vers moi, suivi de policiers. Je les ai salués et nous avons un peu marché, bras dessus bras dessous. Il m’ont alors demandé de monter dans une estafette. J’ai d’abord refusé parce qu’ils n’avaient pas de convocation écrite puis, devant leur insistance, j’ai fini par accepter. Ils m’ont alors conduit au commissariat du quartier. Une fois sur place, j’ai accompli les formalités d’usage : smyet bak, smyet mok, nimirou d’la carte. Après 15 minutes, j’ai été transporté à Mohammedia. Il devait être 18h.
Arrivé dans le bureau du chef de la PJ, il m’a traité d’emblée de “fils de p…”. J’ai été menotté, contraint à m’asseoir par terre, et harcelé par les policiers : “Alors, espèce de pédé, tu es actif ou passif ?”, “Tu crois en Dieu ?”. L’un d’eux m’a lancé d’un air menaçant : ”Tu as de la chance, si ça ne tenait qu’à moi, je te massacrerais”. Entre deux insultes, bizarrement, on me demande si j’ai lu Nietzsche. Pourquoi Nietzsche ? Puis on me questionne sur mon enfance, l’école primaire que j’ai fréquentée… A un moment, l’un des flics me demande le nom de “mon petit ami”. Je réponds que je n’ai pas “un”, mais “une” petite amie. Ils enchaînent : “Et si tu trouves ta sœur chez toi avec son copain, tu lui fais quoi ?”. L’ambiance est oppressante, les interrogateurs franchement hostiles. Quand je leur dis que je ne supporte pas l’odeur de la cigarette, ils se mettent à me souffler leur fumée au visage. Depuis le matin, ma famille n’a pas de nouvelles. J’imagine que mes proches commencent à s’inquiéter. Finalement, je suis autorisé à quitter le commissariat, après avoir signé un PV. Il est cinq heures du matin. Je n’ai plus de portable, il a été confisqué par la PJ.
Jeudi, c’est le 27ème jour de ramadan. Je suis de retour au commissariat à 10 heures du matin, et j’ai droit au même traitement. Un policier met sa main sur mon visage et me pousse en arrière, un autre me menace de me rouer de coups de pied. Ils ont l’air d’attendre que je réagisse, que je leur donne un prétexte pour me passer à tabac. Mais je fais tout pour me maîtriser, extérieurement du moins, car à l’intérieur, je bouillonne. A un moment, une trentaine de policiers descendent de leurs bureaux pour me scruter, comme si j’étais une bête curieuse : “Ah ! c’est lui qui ne croit pas en Dieu…”. Pour me narguer, les flics me proposent de me ramener quelque chose à manger avant le ftour. Je refuse. A l’heure de la rupture du jeûne, ceux-là mêmes qui m’insultaient me ramènent de la harira. A un moment, l’ambiance se détend. On plaisante même.
A 1 heure du matin, je peux enfin rentrer chez moi. Aujourd’hui, les voisins ont peur de rendre visite à ma famille, certains de mes amis sont étonnés de me voir libre : “Tu n’es pas en prison ? On nous a dit que tu en avais pris pour trois mois pour avoir tenté de convaincre des gens de rompre le jeûne”. Non non, aujourd’hui, je suis libre. Mais demain ?

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