samedi 3 octobre 2009

Les dé- jeûneurs de Mohammedia - Interview de Zineb El Rhazoui,

Interview. Zineb El Rhazoui, cofondatrice du mouvement MALI
“La police ne me fait pas peur”


Après une semaine de disparition, Zineb El Rhazoui s’est présentée au procureur du roi de Mohammedia, avant d’être entendue par la police judiciaire. Assise à la terrasse d'un café, pressée de coups de fils de journalistes auxquels elle répond dans un arabe classique
parfait, elle raconte son périple avec assurance. Entretien.

Que faisiez-vous pendant tout le temps où vous avez disparu ?
J’étais chez Abdellah Zaazaa. Je vivais normalement, je sortais, je continuais à lire la presse. Mais je n’étais en contact ni avec les membres du MALI, ni avec ma famille.

Craigniez-vous d’aller voir la police ?
Non, la police ne me fait pas peur. Je voulais juste prendre du recul… Je n’ai pas enfreint la loi. Je n’étais donc pas en fuite. Je n’étais ni convoquée, ni poursuivie pour quoi que ce soit. Sinon, la police m’aurait interpellé à Mohammedia, dimanche 13 septembre.

Voir votre photo étalée dans toute la presse, ça vous fait quoi ?
De la part d’une presse de caniveau, rien du tout. Cela m’a fait bien rire de lire un article annonçant que j’avais été arrêtée, alors que j’étais tranquillement devant mon ordinateur.

Qu’avez-vous pensé en apprenant qu’un conseiller du roi avait convoqué les partis suite à votre tentative de pique-nique, ou que le conseil des Oulémas avait qualifié votre action d’“odieuse” ?
Concernant les oulémas, je n’ai aucune reconnaissance pour leur travail inquisitoire. Face à cette vague de lynchage, j’ai pris le temps de réfléchir. J’ai été citée nommément dans une dépêche de la MAP. Les JT des deux chaînes ont parlé d’une journaliste travaillant au Journal hebdomadaire, alors que j’avais démissionné. Pour ce qui est des partis politiques, tous sclérosés à mon sens, sont-ils vraiment au cœur du débat social ?

Pourquoi avoir finalement décidé de vous présenter au procureur du roi ?
Je souhaitais qu’il m’explique ma situation juridique. Il m’a dit qu’il n’y avait, pour l’instant, ni poursuite ni mandat d’arrêt contre moi. Il s’est contenté de vérifier que j’étais bien
Zineb El Rhazoui, co-fondatrice du MALI. Il m’a ensuite déclaré que la PJ allait prendre ma déposition.

Comment s’est déroulé l’interrogatoire ?
Très courtois. Les questions portaient sur ma croyance, mes convictions, mes rapports avec les journalistes marocains et étrangers. Les policiers ont
demandé si le MALI recevait des financements internes ou externes. J’ai répondu que nous n’avions besoin d’aucun financement pour acheter 4 sandwichs et des tickets de trains.

Avez-vous pu lire votre PV avant de le signer ?
Oui. J’ai même assisté à son écriture. Toutes les phrases m’étaient lues avant d’être tapées…

Pensiez-vous susciter un tel tapage médiatique ?
Nous savions qu’il y avait un risque. Ramadan suscite une animosité particulière alors que c’est un des cinq piliers de l’islam, au même titre que la prière. Avez-vous déjà vu quelqu’un se faire lyncher pour ne pas avoir respecté la Zakat ? Lorsqu’on décide de défendre les libertés individuelles, soit on défend le tout, soit on s’abstient. L’essentiel pour nous était d’ouvrir le débat.

Si c’était à refaire ?
On le referait. Nos convictions restent intactes.

De la même manière ?
Probablement. C’était une action symbolique, une méthode alternative. Nous n’avons pas voulu faire ça dans un cadre institutionnel.

Avez-vous peur de représailles ?
Personne n’est à l’abri. Ce n’est pas aux islamistes ou aux fanatiques de dicter leur loi. Je ne prends pas en compte les menaces de mort que j’ai reçues par dizaines. C’est l’œuvre de lâches qui se cachent derrière de fausses identités. D’un autre côté, j’ai reçu des dizaines de messages de soutien et de remerciements, de la part de citoyens lambda…

Quelle suite comptez-vous donner à votre mouvement ?
Nous allons continuer à défendre nos convictions, en toute légalité.

Avez-vous pris contact avec un avocat, en cas de poursuite ?
Notre groupe serait alors défendu par Abderahim Jamaï, qui s’est proposé spontanément pour nous défendre.

Votre boite mail a été piratée, et certaines de vos conversations privées publiées dans la presse. Une réaction ?
J’envisage de porter plainte, car il s’agit d’un acte illégal puni par la loi, qu’il s’agisse des hackers ou des titres de presse qui ont divulgué le contenu.

Finalement, votre disparition et le tapage médiatique ont servi votre mouvement…
Avec quelques sandwichs, nous avons réussi à jeter un pavé dans la mare. C’était l’objectif

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