Licencié de « Charlie Hebdo » en juillet 2008 pour avoir critiqué Jean Sarkozy, le fils du président, le dessinateur Siné a lancé « Siné Hebdo ». Anticapitaliste, anticolonialiste, antisioniste, Siné dénonce les dérives de son ancien journal.
On peut devenir patron de presse à l’âge où d’autres ne quittent plus leurs pantoufles. Pour preuve, Maurice Sinet, dit Siné, soufflera 81 bougies à la fin de l’année. Depuis quelques mois, il dirige « Siné Hebdo », un journal satirique vendu à 50 000 exemplaires, et qui salarie une dizaine de permanents. « Siné Hebdo », installé à Montreuil, se paye même le luxe de dépasser « Charlie Hebdo », dont le patron, Philippe Val, vient d’être nommé… à Radio France, avec la bénédiction de l’Elysée.
Siné a eu plusieurs vies. Chanteur de cabarets, amateur de jazz, il a même travaillé dans des publications très sérieuses comme « L’Express », avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, et « Révolution africaine », en compagnie de Jacques Verges. Depuis 1981, cet anarchiste, anticlérical, anticapitaliste, anticolonialiste, antisioniste, signait dans « Charlie Hebdo ». En juillet 2008, Siné s’en prend à Jean Sarkozy. Il écrit que ce dernier se serait converti au judaïsme par arrivisme, afin d’épouser la riche héritière juive du fondateur de l’enseigne Darty. Est-ce du racisme ? De l’antisémitisme ? Philippe Val, le directeur du journal, qui craint des représailles de l’Elysée, le licencie. Siné jure qu’il n’est pas antisémite. Il n’a fait qu’user de son droit à la satire.
« Charlie Hebdo » proche de Nicolas Sarkozy
« La presse, et plus particulièrement Internet, m’a largement soutenu contre la direction de “Charlie Hebdo“. “Pourquoi ne lances-tu pas un journal ?“ m’a proposé un imprimeur ? Je te fais crédit », raconte Siné. Avec son épouse Catherine, et quelques amis, ils se jettent dans l’aventure, persuadés de ne travailler que pour la gloire. Le premier numéro de « Siné Hebdo » est vendu à… 130 000 exemplaires. Un deuxième, puis un troisième numéro suivent. Aujourd’hui, le journal a stabilisé ses ventes autour de 50 000 exemplaires. Il emploie une dizaine de permanents, sans compter 80 à 90 pigistes.
En fait, « Siné Hebdo » ressemble comme deux gouttes d’eau à « Charlie Hebdo ». Même format, même prix (deux euros), même jour de sortie, le mercredi, même goût pour la satire. Sauf que « Charlie Hebdo », depuis l’affaire des caricatures du Prophète, ne cesse de rogner ses griffes, allant jusqu’à montrer quelques sympathies pour … Nicolas Sarkozy. Pour preuve, l’Elysée vient de promouvoir Philippe Val, son directeur, à Radio France ! Pour être admis à la table des grands, Philippe Val « a laissé entendre que les altermondialistes étaient antisémites », dénonce Bernard Cassen, le fondateur d’Attac.
Siné, antisioniste militant
Résultat, « Charlie Hebdo » est en chute libre, aujourd’hui dépassé par « Siné Hebdo ». Le dessinateur Charb, qui vient de succéder à Philippe Val, l’a reconnu dans « Le Monde » récemment : « En avril, nous avons vendu en moyenne 38 000 exemplaires en kiosque contre 52 000 l’été dernier (…) Comme d’autres, nous subissons les baisses de diffusion de la presse, en plus de la concurrence ».
Pour Siné, la chute de son ancien journal a d’autres explications. « Charlie Hebdo a perdu sa tradition libertaire. Dans la rédaction, les gens se détestent. Ils ne savent plus plaisanter. Ajoutez à cela un soutien inconditionnel à Israël », déplore le vieux dessinateur, qui ne cache pas son antisionisme militant. En 2004, n’a-t-il pas appelé à voter pour la liste Euro-Palestine ? Il est intéressant d’imaginer les conférences de rédaction de « Charlie Hebdo », quand Siné et Caroline Fourest étaient assis à la même table…
L’ancien fondateur de « L’Enragé », en mai 1968, avec Jean-Jacques Pauvert, est surtout un anarchiste. Dans l’un de ses derniers éditoriaux, il avoue qu’il prend son pied « à malmener les gens que je déteste et à louer ceux que j’aime ». « En juin, nous lançons notre premier hors-série afin de faire découvrir de jeunes dessinateurs que nous apprécions », annonce-t-il, avant d’ajouter en souriant : « Si nous avions commandé une étude de marché en 2008, on nous aurait forcément conseillé de ne pas lancer un journal ».
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